Depuis quelques années des choix du Guide Michelin sont régulièrement contestés. Oliver Gergaud, professeur d’économie à KEDGE Business School pose la question d’une manœuvre du guide rouge quant à la perte annoncée de sa troisième étoile pour le Chef Guy Savoy. Voici son analyse.
A la veille de la grand messe de l’annonce des récompenses de l’édition 2023 du Guide Michelin France, qui va notamment être marquée par la rétrogradation du restaurant parisien du Chef Guy Savoy, meilleur restaurant au monde depuis 6 ans selon la Liste, Olivier Gergaud, Professeur et Directeur du Centre d’excellence Food, Wine & Hospitality de KEDGE Business School (école de management française de référence ) nous a fait parvenir son analyse quant à cette décision.
Ainsi pour Oliver Gergaud cette décision du Guide Michelin de rétrograder Guy Savoy interpelle d’autant plus que ce restaurant figure depuis 6 ans en tête du classement de la Liste qui, à l’instar du World’s 50 best restaurants, est un classement dont l’influence se fait de plus en plus marquée dans le monde de la gastronomie.
Le professeur d’économie souligne également que Gwendaël Le Poullennec, Directeur international des Guides Michelin assurait récemment à l’AFP, en évoquant le restaurant de Guy Savoy mais aussi celui de Christopher Coutanceau (La Rochelle), lui-aussi rétrogradé que « Ce sont des restaurants exceptionnels, donc vous vous doutez bien que ce sont des décisions qui sont mûrement réfléchies, étayées par de nombreuses visites de nos inspectrices et inspecteurs tout au long de l’année ».
Mais qu’en face on trouvait la déclaration, à la même AFP, de Philippe Faure, fondateur de la Liste, pour qui « Rien dans les données de la Liste, ni le retour client, ni les articles, chroniques, émissions ou commentaires, ne donne à penser que la qualité du restaurant Guy Savoy a baissé cette année. Au contraire, chaque année davantage, la notoriété de la cuisine de Guy Savoy dépasse Paris et la France ».
De fait pour Olivier Gergaud, c’est clair, «la raison principale de la rétrogradation de Guy Savoy est de nature politique. Il s’agit avant tout pour le guide rouge de réaffirmer son hégémonie par rapport à la Liste dont l’influence dans les médias va croissante depuis sa création en 2015 sous l’impulsion de Laurent Fabius, alors Ministre des Affaires étrangères et du Développement international ».
Selon son analyse, en osant renverser le chef parisien de 70 ans, 3 étoiles au Guide Michelin depuis 2002, le guide critique de facto le choix d’installer Guy Savoy au sommet de son classement et lui impose de réviser à terme ce dernier.
Et d’ajouter que la Liste est une évaluation basée sur une méthode d’agrégation des notes d’experts de plusieurs guides gastronomiques de référence et des avis de consommateurs. Et le problème est que la formule utilisée pour agréger ces différentes informations est secrète. Un fait qui ne lui est d’ailleurs pas propre puisque comme le rappelle Olivier Gergaud, la Liste et Michelin ont pour habitude de ne pas communiquer, ou de manière insuffisante, sur leurs critères d’évaluation des restaurants. Ce qui n’est pas sans poser de question.
Aussi Olivier Gergaud pense qu’une autre solution était possible, souhaitable même, eu égard au profil iconique de Guy Savoy. Selon lui rétrograder un chef de cette trempe à un stade avancé de sa carrière est peu utile. Cela témoignerait plus généralement d’un manque de discernement de la part du Guide Michelin à l’endroit de Chefs qui ont contribué à faire la réputation du guide.
A ce propos notre homme rappelle qu’afin d’éviter ce genre d’écueil, le concurrent Gault & Millau a créé les Toques d’or en 2019, sorte de Panthéon de la gastronomie. Une façon de traiter – sans les évaluer – avec discernement des Chefs à l’aura et au talent incontesté comme Guy Savoy.
Aussi pour Olivier Gergaud Michelin en a décidé autrement et n’a pas hésité à faire du cas Savoy un casus belli dans le but unique de consolider son pouvoir de monopole.