Avec une moyenne de 44 habitants au km2, vous ne serez pas dérangés, même en plein été. Au sud du massif des Vosges, ce pays vallonné respire la sérénité

Ail des ours, basilic, poivron et piment d’Espelette, moutarde à l’ancienne, vin du Jura, absinthe… : chez Lehmann, la cancoillotte se décline en une dizaine de versions.
Lehmann ? Depuis plus d’un siècle, une fromagerie franc-comtoise de référence. La référence aussi de la cancoillotte artisanale, qu’on ne trouve guère que chez les fromagers… et sous le marché couvert de Belfort, véritable cathédrale commerciale avec son architecture de fer triomphante de légèreté. Un lieu de patrimoine parmi tant d’autres au sein d’une ville qui fait rimer terroir avec Territoire. Un Territoire avec majuscule, puisqu’on est là dans le plus petit département français, né en 1922 d’une histoire tourmentée.

Situé entre les massifs montagneux du Jura et des Vosges, Belfort a en effet connu les aléas d’une zone de passage qui en a fait un mille-feuilles historique dont témoignent les fortifications édifiées par Vauban. De bastions en fossés et jusqu’à la terrasse panoramique, l’incontournable visite de la Citadelle met en lumière la vocation militaire ce la plus rugissante des villes, son célèbre Lion incarnant depuis 1880 la résistance héroïque de la ville, 103 jours durant, contre l’envahisseur prussien, dix ans plus tôt.

Un lion colossal

Ce fut ainsi que, grâce à la défense menée par Denfert Rochereau, la ville et 105 communes voisines restèrent françaises, devenant ainsi l’arrondissement subsistant du Haut-Rhin. La patte avant droite écrasant une flèche brisée, qui symbolise l’agression ennemie, le Lion du sculpteur Bartholdi représente ainsi le colossal félin, certes acculé mais encore empreint de fureur. De 11m de haut et 22 de long, le monument de grès semble issu de la paroi rocheuse qui domine la cité. Élu monument préféré des Français en 2020, ce Lion fait la fierté d’une cité dont le cachet tient aussi à ses façades colorées et à son quartier haussmannien, riche de balcons ouvragés en fer forgé.

Ville d’histoire, Belfort n’en conjugue pas moins le présent avec énergie, avec ainsi un Festiv’été de quelque 400 animations sans bourse délier, le plus grand marché aux puces de l’Est réunissant le premier dimanche du mois d’innombrables étals. L’événement estival majeur, de notoriété… européenne, reste bien sûr celui des Eurockéennes : quatre scènes pour quatre jours d’euphorie partagée en mode rock, dans le cadre verdoyant de la presqu’île nautique du Malsaucy, dont les 6000 m2 de plage méritent la mention « très bain ».

Mais pour se mettre au vert, il y a mieux encore puisqu’on est là dans les Vosges du Sud. S’affranchissant des frontières administratives, ce territoire couvre le pays de Belfort et une partie du département de la Haute-Saône. Grandeur nature par excellence, son plateau des 1000 Étangs est un monde à part, d’une grande variété de paysages, de forêts en ruisseaux et de landes en prairies, il offre tous les ingrédients d’un lâcher-prise estival. On y parle « yoga forestier », « balade sensorielle », « immersion paysagère par le dessin » ou encore « sylvothérapie ».


Luxeuil la patrimoniale


On est là dans un ailleurs où le temps prend son temps, et où s’équilibrent le végétal et le minéral, tel celui de la monumentale chapelle Notre-Dame du Haut, qui s’élève au-dessus de la petite ville de Ronchamp. Saisi par la beauté du lieu, Le Corbusier y édifia en 1955 ce joyau d’architecture aujourd’hui inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. Dans les Vosges du Sud, il est l’un des 140 monuments inscrits ou classés aux Monuments historiques, la charmante cité de Luxeuil-les-Bains en comptant 17. Un sentier patrimonial permet de découvrir la plupart, de l’impressionnante basilique à l’antique établissement thermal, et de la Rue des 52 balcons à la Tour des Échevins, le site archéologique exceptionnel de L’ecclésia en étant le point d’orgue de par la concentration des vestiges, la densité et la bonne conservation des sarcophages.

Luxeuil : ses thermes, son casino, ses vieilles pierres de grès rose… et son jambon ! Labellisée « site remarquable du goût », la ville vient en effet de relancer ce jambon cru artisanal, frotté au sel sec et parfumé aux baies de genièvre et vin rouge franc-comtois. Très légèrement fumé, il se caractérise par une onctuosité et une douceur particulière de texture et de goût : parfait pour un pique-nique à Fougerolles, sur l’une des tables du verger de l’écomusée. Le passionnant écomusée de la cerise et du kirsch, séculaire richesse de cette commune qui a compté jusqu’à 40 distilleries.


Le fief de la cerise


L’une des dernières, la distillerie familiale Paul Devoille, fondée en 1859, se visite gracieusement. Avec ses alambics en cuivre martelé et ses superbes greniers d’atmosphère, où reposent 1200 bonbonnes de verres d’eaux de vie, cette Entreprise du Patrimoine Vivant vaut le détour… et la dégustation, son guignolet-kirsch, sa crème de cerises noires et ses griottes à la liqueur étant de pures merveilles. On en oublierait presque l’autre spécialité maison : une absinthe nouvelle génération élaborée à partir d’une dizaine de plantes, la Libertine Intense à 72° rappelant les absinthes historiques. De myrtille en gentiane, la séculaire maison travaille aussi des plantes et des fruits en provenance directe du ballon d’à côté.

Ce Ballon d’Alsace qui, avec ses 1247 m, est assurément le sommet de toute escapade dans les Vosges du Sud. Maints sentiers invitent à musarder dans ce massif à la croisée de quatre versants d’une biodiversité remarquable. Prairies d’altitude, falaises rocheuses, cirques glaciaires, lacs et tourbières s’y entremêlent harmonieusement dans une « quiétude altitude » idéale pour un été en pentes douces. De bivouac face aux étoiles en « yoga bain de forêt » et d’accrobranche en tyrolienne, le tourisme vert s’y décline dans des sites à grand spectacle. « Dog friendly » dans l’âme, le Ballon est aussi parfait pour une « cani-rando » avec vues. Parfait encore sur deux roues, pour les meilleurs grimpeurs, invités à se mettre dans la roue du premier col emprunté par le Tour de France, en 1905.

Vélo ou rando, on aura en tout cas compris que les Vosges du Sud s’adressent aux adeptes du « slow tourisme », à ceux qui, hors des hordes, entendent respirer l’été en s’oxygénant les yeux, dans cinquante nuances de vert. Comme on peut aussi le faire du belvédère panoramique qu’est l’imposant Fort Dorsner, à Giromagny, l’un des vingt et un forts, érigés entre 1873 et 1911, pour protéger la Trouée de Belfort. Un fort à 47 bouches à feu, le plus puissant de la place, prévu pour loger 650 hommes et soutenir un siège de trois mois. Un chef d’œuvre d’architecture sur lequel, face à la ligne verte des Vosges, flotte encore le drapeau bleu blanc rouge.

Voir le site Massif des Vosges.
Voir le site de Belfort Tourisme.

Les Vosges du Sud en images

Photos Richard Bayon.