Dans le IXe arrondissement de Paris une épicerie invite au voyage dans un monde de couleurs, de senteurs et de saveurs autour de la Méditerranée. Bienvenue Au Lac de Van, institution qui célèbre son centenaire cette année !
Au 6 rue Lamartine, dans le 9ème arrondissement de Paris, se cache un petit trésor qui fait voyager les papilles depuis un siècle. Il s’agit de l’épicerie “Au lac de Van” créée par les frères Hératchian. Et il n’est pas question ici d’une boutique comme les autres. C’est une véritable institution parisienne qui raconte l’histoire de l’immigration arménienne en France.
Tout a commencé en 1925 quand la famille Hératchian, originaire d’Arménie, a ouvert cette petite épicerie orientale. Le nom “Au lac de Van” fait directement référence au lac de Van en Turquie orientale, région historique arménienne. Un clin d’œil nostalgique à leurs origines, comme un pont jeté entre l’Orient et Paris.
Depuis cent ans, cette épicerie, reprise en 1977 par un couple d’origine grecque, Georges et Kalotina Kourounis (aujourd’hui veuve), perpétue les traditions culinaires de la Méditerranée et du Levant. D’un bel âge, la propriétaire est toujours à la tête de l’affaire, et si le temps qui passe fatigue les corps, il n’entame pas la passion d’une vie, et Mme Kourounis descend chaque jour à la boutique y passer quelques heures.
En franchissant la porte, on est immédiatement transporté dans une autre époque, un autre univers : les étagères croulent sous les épices aux couleurs chatoyantes, les conserves aux étiquettes mystérieuses, les fromages grecs (Manouri, Kasseri, du fromage tressé…) et orientaux (Halloumi, Labneh…) et les pâtisseries traditionnelles.
Ce qui frappe d’emblée, c’est l’authenticité du lieu. Pas de marketing tape-à-l’œil, juste la passion qui fait choisir les bons produits chez les bons fournisseurs, qui fait connaitre les produits sur le bout des doigts pour conseiller au mieux les clients curieux de découvrir la richesse de la gastronomie orientale.
L’épicerie propose une incroyable variété de produits : des épices rares qu’on ne trouve nulle part ailleurs, des spécialités libanaises, grecques et turques, sans oublier les incontournables de la cuisine arménienne. C’est devenu au fil des décennies “la Mecque des épiceries orientales” à Paris, comme le soulignent ses habitués.
A droite en entrant, au sol, de grands seaux, des olives noires, vertes ou violettes comme les sublimes Kalamata de Grèce, au total 12 variétés ! On y trouve aussi des pois chiches et nombre d’autres petits bonheurs plongés dans la saumure.
A gauche, toujours ces grands seaux verts, cette fois pleins de légumineuses, de céréales, de sarrasin, de riz aux origines multiples ou autres haricots secs. Sur les tréteaux , les fruits secs et à coques, des pistaches, amandes, côtoyant les fruits sechés, les figues sèches de Turquie et autres dattes et bien sûr un formidable raisin de Corinthe.
Des deux côtés sur les étagères murales, les plus connaisseurs remarqueront le miel de thym grec, le safran rouge bio en filament ou en poudre produit dans le nord de la Grèce, qui vient aussi parfumer les infusions et le le thé bio de Kozanis. Ou bien encore l’inévitable mastic grec, une eau de rose libanaise très pure, sans oublier les savoureux loukoums grecs ou turcs selon ses préférences.
L’huile d’olive est aussi au rendez-vous avec des AOP recherchées comme la Crète ou Kalamata, et plus rares encore les vins d’Arménie et même du Parajanov, le vin arménien à base de grenade.
Au fond de la boutique, dans la vitrine réfrigérée, des plats remplis de houmous, de tarama, des purées de légumes parfumées aux épices et aux herbes, plats regorgeant d’aubergines farcies, de taboulé, feuilles de vigne et moussaka, tous fait maison.
Les curieux se laisseront tenter par le soudjouk, ce saucisson sec arménien à base de viande de bœuf et d’un mélange d’épices unique. Ou bien encore, pour préparer le bamieh, les petit gombos de l’île de Kalymnos d’où est originaire la famille Kourounis. Et pour accompagner tout cela une collection remarquable de pains grecs, libanais, juifs et arméniens bien entendu !
Et si on lève la tête on découvre de grandes éponges naturelles. Celles de Tarpon Springs, une charmante ville située dans le comté de Pinellas, en Floride. Avec une population d’environ 22 554 habitants, elle se distingue par sa communauté grecque exceptionnellement importante. Au début du XXe siècle, de nombreux pêcheurs d’éponges ont immigré des îles du Dodécanèse, faisant de Tarpon Springs la « capitale américaine des éponges ». La boucle est bouclée…
Mais au-delà des produits aussi mythiques que de qualité, c’est toute une mémoire collective qui s’exprime ici. Car cette boutique, restée dans son jus depuis un siècle, si ce n’est que le rafraichissement des peintures, témoigne de l’intégration réussie d’une communauté qui a su préserver ses traditions tout en s’enracinant dans le tissu parisien, aussi large et cosmopolite qu’il puisse être.
Autour des saveurs, c’est une toute une humanité qui se croise ici, gens du quartier, stars (on y a vu Charles Aznavour bien sûr, Serge Gainsbourg, on y croise Nikos Aliagas, entre autres…), de tous les âges, de toutes les croyances, de toutes les origines, de toutes les couleurs, à l’image de ces livres de recettes posés sur l’étagère où se côtoient avec bonheur la cuisine grecque, arménienne, juive, crétoise, les recettes de couscous…
Au lac de Van
6, rue Lamartine, Paris IXe.