Trois cruches de rhum du dernier lot délivré par le ministère britannique de la Défense (MOD) aux marins de la Royal Navy, vont être proposées aux enchères lors d’une vente réalisée par la maison Dreweatts Fine & Rare Wine & Spirits, de Newbury en Grande-Bretagne, le 8 décembre prochain. 

Si les poilus français avaient leur ration de « pinard » durant la Grande Guerre, en Grande Bretagne la tradition historique était de donner aux marins un « tot » (une ration) quotidien de rhum. Cette vente unique qui se tiendra le 8 décembre concerne donc des cruches qui avaient été achetés directement auprès du ministère par le propriétaire actuel en 1970, année où la tradition s’est arrêtée. 

Mark Robertson, responsable du département des vins et spiritueux de Dreweatts, nous en dit plus sur cette tradition : « En raison d’un système connu sous le nom de Solera, où les versions plus jeunes et plus anciennes du rhum sont continuellement mélangées au fur et à mesure qu’elles vieillissent en fûts pendant de nombreuses années, ces flacons pourraient avoir des décennies de plus. La tradition de donner aux marins une ration quotidienne de rhum a commencé avec l’escadron des Antilles de la Royal Navy en Jamaïque en 1655 et en 1731, elle s’était étendue au reste de la flotte britannique. On pense que la tradition a commencé parce que que le rhum se conservait à des températures chaudes, contrairement à la bière qui se gâtait. Il était également abondant dans les Antilles britanniques car il était un dérivé de la production de sucre en plein essor à l’époque. Le rhum se mélangeait également bien avec la ration quotidienne de jus de citron vert des marins qui était administrée pour prévenir le scorbut sur les navires, qui a commencé au 18ème siècle et était une raison de poursuivre la tradition ».

Mark Robertson poursuit : « Pendant cinq siècles, les marins britanniques se sont réunis de 11h à 12h pour « Up Spirits », le service de leur « tot » de rhum. Le «tot» consistait en un huitième de pinte et il titrait plus de 50% d’alc./vol. Alors que le rhum des marins était mélangé avec du jus de citron vert et de l’eau chaude, les officiers étaient autorisés à boire le leur pur. Lorsque la pratique a pris fin en 1970, de nombreux marins l’ont considérée comme la perte d’un camarade préféré sur le navire et portaient des brassards noirs. (Il a été remplacé par les nettement moins sexy « trois canettes de bière en dehors du service »). Le jour où il s’est arrêté est connu sous le nom de «Black Tot Day» (31 juillet) et chaque année, il est commémoré pour saluer cette tradition honorée ».
A ce propos notons qu’il existe un autre lot de ce fameux rhum, qui avait été stocké – sous contrôle des douanes – dans leurs cruches depuis le mois de décembre de l’année 1970, avant d’être révélé le 31 Juillet 2010. Il est aujourd’hui vendu en bouteilles, sous le nom de « Black Tot », à environ 900 euros le flacon de 70cl.

« Il ne reste pas beaucoup de traces sur la provenance du rhum avant le XXe siècle, mais dans les années 1930, la part du lion provenait de la Guyane britannique et de Trinidad. Étonnamment, celui de la Jamaïque, qui faisait partie de l’Empire britannique jusqu’en 1962, n’était généralement pas utilisé, en raison de sa puissance. », précise Mark Robertson.

« Nous avons le privilège d’offrir ces cruches rares à la vente en décembre. Plusieurs sources nous ont dit que le rhum à l’intérieur est délicieux et d’un style unique impossible à reproduire. Chaque cruche (4,5 litres) porte une estimation de 1 500 £ à 2 500 £ », conclut-il.