A l’heure des grands accords commerciaux internationaux, désireux de nous faire avaler des produits pas toujours très nets, nous avons choisi de vous présenter tout le contraire.
Pour cela nous sommes allés en Italie, à la découverte d’une AOP authentique dont les prémices datent de 1254, fruit d’un terroir et du travail minutieux des hommes: le Parmesan, le Parmigiano Reggiano en langage local.
Ce fromage emblématique de notre voisin italien a obtenu son AOP européenne en1996, mais la création du premier consortium de tutelle (Consorzio del Formaggio Parmigiano Reggiano) s’installe à Reggio Emilia en 1934 et le nom de « Parmigiano Reggiano » est officiellement adopté 4 ans plus tard.
Mais ce n’est qu’en 2008, afin de lutter contre des usurpations de nom trop fréquentes, que de la cour de justice européenne décide que la dénomination Parmesan ne peut être attribuée qu’à la seule appellation Parmigiano Reggiano.
Ainsi première clause indispensable, les fourrages doivent être issus du terroir, et les vaches nées sur le terroir, même si depuis août 2011, toute vache « importée » est acceptée, mais doit connaître une quarantaine de quatre mois avant d’être utilisée.
La production de lait (15,8% de la production italienne) pour le Parmesan se fait sur un territoire s’étendant de l’Apennin au Pô, autour de l’axe Parme-Reggio- Emilia-Modène-Bologne, intégrant une partie de la province de Mantoue.
Les vaches laitières, Blanche de Modène, Brune des Alpes, Frisonne et Reggiana, environ 251.000 têtes, se nourrissent de fourrages séchés ou frais. Il est interdit d’utiliser des fourrages ensilés et fermentés, ainsi que l’ensemble des sous-produits de l’industrie alimentaire.
Les vaches sont traites matin et soir, leur lait rejoint alors à la fromagerie en moins de deux heures. Un lait frais, propice à une maturation longue du fromage, de par l’activité bactérienne intense de la flore microbienne issue de l’alimentation de terroir.
550 litres de lait pour produire une meule d’environ 40kg de Parmesan
Nous nous sommes rendus à l’exploitation La Villa, à Neviano degli Arduini, au sud de Parme.
Ici, entre deux vallées, à 530m d’altitude l’exploitation compte 300 têtes, toutes nées dans l’entreprise, dont environ la moitié en lactation. Elle produit du lait bio (certifiée par le Parmigiano Reggiano da Biologico Agricoltura depuis 2001) pour la conception du parmesan et de beurre également.
Nous sommes arrivés le matin, lorsque le lait de la traite de la veille, partiellement écrémé par affleurement naturel des matières grasses, est mélangé au lait entier de la traite du matin dans des chaudrons de cuivre, en forme de cloche renversée. Il faut 550 litres de lait pour produire une meule d’environ 40kg de Parmesan.
Le mélange, porté à 33-35°C, est alors ensemencé par le séro-ferment, culture naturelle de ferments lactiques obtenue à partir du lactosérum (le fameux « petit lait ») prélevé lors de la fabrication de la veille.
La présure (enzyme naturelle issue de la caillette de veaux non sevrés) fait coaguler le lait en une dizaine minutes. C’est là qu’intervient l’homme, armé de sa spinatura, tranche caillé traditionnel, qu’il fait tourner dans le chaudron afin de briser en petits grains le lait caillé.
La température est alors montée à 55°C, toujours en une dizaine de minutes. Une heure plus tard les grains de caillé se sont aggloméré pour former une masse compacte au coeur du chaudron.
Celle-ci est alors mise à égoutter, partagée en deux dans une toile de lin, suspendue sur une barre de bois.
L’égouttage principal achevé par vidange, chaque partie est placée dans un moule traditionnel, la fascera, et poursuit son égouttage pendant 2 à 3 jours. Le petit lait est en partie conservé pour la prochaine fabrication. Le reste est récupéré pour être envoyé aux producteurs de porcs, futurs jambons de Parme.
Double marquage pour garantir la qualité
Une fois suffisamment déshydraté, le fromage va être marqué. On appose une plaque de caséine sur chaque meule fraîche. Celle-ci porte le code d’identification univoque (année de production), les lettres CFPR (Consorzio del Formaggio Parmigiano Reggiano), le code alphanumérique et/ou les flashcodes. Elle permet l’identification de la meule et assure sa traçabilité.
De même, le premier jour d’égouttage, la matrice de marquage circulaire introduite entre le fromage et le moule grave sur le pourtour talon du fromage les lignes de pointillés typiques, le nom Parmigiano Reggiano, le matricule de la fromagerie, le mois et l’année de production, enfin les mentions DOP (AOP européenne) et Consorzio Tutela (Consortium de Tutelle).
Les meules vont alors être placées dans des racks eux même plongées dans une solution saturée en sel pendant 20 à 25 jours, à une température de 18°C, point de fusion du lait.
A la fin de cette étape elles peuvent rejoindre les caves de maturation et d’affinage. Ici la La température est maintenue à environ 18-20°C, pour un séjour de 12 mois minimum.
Mais avant de recevoir l’AOP, une série d’expertises visuelles et sonores vont être réalisées. Notamment le test du marteau qui, au son pourrait alors déceler un creux, synonyme de défaut.
Les meules qui auront passé les tests des experts sont alors marquées au feu d’une inscription ovale portant « Parmigiano Reggiano Consorzio Tutela » et l’année de production en clair.
Les meules ne répondant pas aux critères de sélection sont déclassées, leur croûte blanchie.
Mais, comme d’autres fromages, le Parmigiano Reggiano se bonifie avec un bon affinage. Durant celui-ci le fromage gagne en complexité, en structure, en texture. Les arômes évoluent, la friabilité et la granulosité typiques annoncent une digestibilité de plus en plus grande.
Durant l’affinage le fromage gagne en complexité, en structure, en texture
C’est ainsi que l’on trouve des parmesan de 18 mois, 22 mois, 30 mois. Mais l’affinage peut atteindre 36, 48 mois et bien plus encore. La moyenne à la vente est quant à elle de 24 mois.
Dans un Parmigiano Reggiano de 18 mois d’affinage le lait est encore présent dans les arômes, avec une fraîcheur d’herbe, et, au goût, une touche d’acidité, de yaourt. La granulosité est déjà sensible dans la pâte encore tendre et élastique.
On le dégustera en copeaux, dans des salades, des sauces, des compotes de fruit ou d’une panna cotta… Il s’allie avec des fruits, telles les pommes, les poires.
Un vin blanc sec, un chardonnay bourguignon, un champagne, un prosecco spumante se marieront parfaitement avec lui pour l’apéritif.
Le Parmigiano Reggiano de 22 mois d’affinage offre quant à lui des arômes de fruits secs, d’agrumes, d’épices et de beurre fondu. Il est devenu fondant, la granulosité est importante, avec l’apparition de cristaux de tyrosine (ce que nombreux pensent être du sel !) annonçant une excellente digestibilité. Il est équilibré au goût.
Râpé ou en copeaux, c’est l’ami des pâtes, des risottos, ou sur un joli plat de légumes de saison. Il aime les noix, les noisettes, exalte le raisin, noir ou blanc, et pour les vins on lui associera un Chianti classico, un Porto vintage, un Crozes Hermitage…
Le Parmigiano Reggiano de 30 mois d’affinage voit sa friabilité et sa granulosité augmenter, tout comme le nombre et la taille des cristaux de tyrosine. Il offre de belles notes beurrées, de noix de muscade, d’ananas.
On le déguste avec des fruits secs, comme des pruneaux, ou en copeaux sur une salade de fruits relevée de Vinaigre Balsamique Traditionnel de Modène ou de Reggio Emilia.
Il entre également dans la confection des tortelli et autres pâtes farcies.
Ne jetez pas sa croûte, elle pourra être cassée et plongée dans la préparation d’un bouillon de légumes.
Côté vin, le Sangiovese di Romagna, l’Amarone, un Rioja, un Malbec argentin ou un vin local, le Gutturnio sauront s’y associer.
Enfin le Parmigiano Reggiano stravecchio, de 36 à 48 mois est par nature très sec, friable, granuleux, et sa saveur parfois piquante. Il offre des notes poivrées et de fruits secs.
On pourra le déguster avec de bons miels mais aussi de grands Vinaigres Balsamiques Traditionnels dont une simple goutte sur un éclat révélera toute la subtilité de la gastronomie italienne.
Côté vin optez pour un Brunello, un Barolo, ou un grand bordeaux mais aussi, des blancs liquoreux tels Albana di Romagna, un Sauternes ou un Xérès Oloroso.
Vous trouverez le Parmigiano Reggiano en libre service en portions, copeaux ou râpé préemballé sous atmosphère modifiée. Il se conserve 3 à 6 mois et plus (suivant la qualité du fromage) au réfrigérateur. Après ouverture on le conserve au réfrigérateur entre 4 et 8°C environ, pendant environ trois semaines.
Il est également proposé à la coupe en portions à la demande ou pré-découpées. Il faudra alors l’envelopper dans du film alimentaire ou enfermé dans une boîte à fromage puis la placer au réfrigérateur entre 4 et 8°C environ, pour le garder environ trois semaines.
Le Consortium du Parmigiano Reggiano fournisseur officiel des astronautes
Si vous n’êtes pas convaincu du côté exceptionnel de ce fromage, sachez que les astronautes eux l’ont été. En effet Le Parmigiano Reggiano participe aux missions spatiales car, contrairement à d’autres fromages, sa structure résiste à l’absence de gravité !
Cela a bien entendu commencé par les astronautes italiens Cheli et Guidoni, qui l’ont embarqué à bord de la navette Columbia en 1996.
En 2000 il rejoint la Station orbitale MIR, conditionné sous atmosphère modifiée en portions de 30g et, lors du congrès Food for space, les experts mondiaux déclarent le Parmigiano Reggiano approprié à l’alimentation des cosmonautes. Ce pour sa haute digestibilité, son contenu élevé en calcium sous une forme facilement assimilable par l’organisme, très utile pour le rétablissement après la perte de calcium du squelette due à l’absence de gravité.
Trois ans plus tard il fait son apparition dans l’alimentation des cosmonautes durant les périodes de préparation et de récupération après vol. Il devient « produit hôte » dans la ration alimentaire de bord de la Station Spatiale MIR et de la Station Spatiale Internationale. Le Consortium du Parmigiano Reggiano devient fournisseur officiel !
En 2005 il entre dans l’alimentation officielle de tous les hommes en mission sur la Station Spatiale Internationale !