Entre océan et coteaux viticoles les Charentes offrent aux visiteurs un patrimoine multiple, culturel ou architectural et bien entendu gastronomique. En voici de sympathiques exemples que nous avons pu apprécier en allant passer quelques jours à la rencontre de ce territoire et de ses habitants.

Une des portes d’entrée en Charente reste bien sûr Angoulème. La ville située à un peu plus de 2 heures de TGV de Paris permet de rejoindre le nord, le sud et l’ouest assez simplement. L’occasion d’aller se poser pour le déjeuner dans le sud Charente, au coeur du joli village de Villebois-Lavalette. Le Lavalette, au centre du bourg, en face des jolies halles des XVIIe et XVIIIe siècles (classées monument historique depuis 1948) propose une cuisine traditionnelle avec les produits frais de la région, le tout dans un cadre authentique et chaleureux. Le menu du jour (entrée, plat, dessert) est à 19,50 euros. 

Spécialité gastronomique de Villebois-Lavalette, la Cornuelle, est un « petit sablé cornu aux pastilles anisées » dont les trois cornes représenteraient la Trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. En son centre un trou qui permet d’y glisser un brin de buis béni durant la bénédiction des Rameaux avant Pâques. Il n’est d’ailleurs fabriqué que durant cette période. 

En promenade digestive on arpentera les rues du village labellisé « Petite Cité de Caractère », et l’on pourra même monter visiter le château fortifié du XIIIe posé sur son éperon rocheux, surplombant de ses 7 tours la région. 

En mettant le cap au sud, en longeant le département tout juste limitrophe de la Dordogne, on atteint après une demie-heure de route une autre « Petite Cité de Caractère, Aubeterre-sur-Dronne. Ici encore cette ancienne place forte, sur la route de Saint-Jacques de Compostelle où se sont installés artistes et artisans, se savoure à pied en parcourant ses rues en pente dons les maison de pierres blanches aux jolis balcons semblent saluer la bouche de la rivière Dronne.

Aubeterre-sur-Dronne en fin de journée


Ici aussi un château domine le village (mais il est aujourd’hui propriété privée et ne peut se visiter) avec à ses pieds l’incroyable église souterraine Saint-Jean. Creusée à main d’homme dans la falaise, longue de 27 mètres et large de 16 on elle offre une voûte culminant à 20 mètres de haut, ce qui en fait l’une des plus hautes d’Europe ! Lieu de visite incontournable avant d’aller se restaurer juste en face, à La Taverne. Ancienne maison de l’écrivain Pierre Véry, ce restaurant au cadre intimiste propose une jolie carte de cuisine traditionnelle mais créative. Déjeuner à partir de 22,50 euros. 

Pour aller se reposer après cette journée bien remplie il suffit de descendre à pied en quelques minutes à l’Hôtel du Périgord, établissement familial de 11 chambres (à partir de 85 euros) et disposant même d’un espace fitness et d’une piscine (de juin à septembre). 

Pour les amateurs de fromage, à quelques kilomètres d’Aubeterre-sur-Dronne, la famille Journet produit et transforme du lait de chèvre. L’entreprise bien nommée Ô P’tits Délices Caprins, à Saint-Romain, propose ainsi en vente directe ses fromages de chèvre fermiers. Un vaste choix d’affinage différents mais aussi de variétés, de la buche nature ou cendrée, du crottin aromatisé, du formage frais et même des bouchées apéritives et du fromage aux herbes à tartiner. 

La Haute Saintonge, cognac et moulins

Prenons la route vers Jonzac et la Haute Saintonge, la partie la plus méridionale de la région, à cheval sur les départements de la Charente-Maritime et de la Charente avec ses vignes et ses maisons de Cognac. 

A Jarnac, célèbre notamment pour avoir vu naitre le Président François Mitterrand et où il est enterré depuis 1996, se trouve le Château de Montifaud. Depuis 6 générations la famille Vallet y travaille pas moins de 125 hectares de vignobles en Grande et Petite Champagne pour produire de très beaux cognac ainsi que de très jolis gin.

Avant toute dégustation une visite fort bien programmée s’impose. Celle baptisée Le cocktail se visite. Le domaine ouvre ses portes et de manière ludique invite le visiteur à découvrir les grandes lignes aromatiques du cocktail que l’on va préparer soi même et déguster en fin de programme, tout cela en dévoilant les secrets de fabrication des cognacs Montifaud. On apprend, on est acteur, et l’on a la preuve que le Cognac est un superbe spiritueux qui ne se déguste pas dans un grand verre que l’on réchauffe dans le creux de sa main. De même qu’il est excellent et plein de fraicheur en mixologie. 

Cette visite et cet apéritif met inévitablement en appétit et Jarnac accueille une sympathique table posée juste en face de son église à l’étonnant autel en dalles d’ardoise sculptées, les peintures et autres tapisseries liturgiques de l’artiste Jean-François Favre.

Baptisé le Coude à Coude le restaurant propose une cuisine 100% faite maison, à base de produits frais et de saison en provenance majoritairement de France et si possible de la région. Une table où l’on soigne aussi bien les papilles que les pupilles avec des trompe-l’oeil fort bien réussis. Menu déjeuner à partir de 18,50 euros.

Carotte en trompe l’oeil au Coude à Coude

A une vingtaine de kilomètres se trouve la ville de Jonzac, célèbre elle pour ses eaux thermales qui ont permis l’ouverture en 1986 de la 10eme station thermale française (on y vient pour la rhumatologie, la phlébologie et les voies respiratoires). Sans oublier « Les Antilles de Jonzac », un centre aquatique de loisirs et de remise en forme ouvert depuis 2002.

Mais nous avons plutôt choisi dans un premier temps de prendre de la hauteur au sommet du coteau de la rive droite de la Seugne qui fait face au parc. S’y trouve le moulin à vent du Cluzelet. Construit en 1671, abandonné en ruines avant sa restauration décidée en 2001 par la commune, il fonctionne aujourd’hui parfaitement. On le visite en compagnie du meunier Florian Dandonneau qui nous dévoile tous les secrets de cette mécanique de précision et où il produit de la farine que l’on pourra acheter à la boutique de l’autre moulin, à eau celui-ci.

Pour cela il suffit de descendre la colline jusqu’au lit de la Seugne et de se rendre Chez Bret. Ici le moulin broie des noix pour produire une huile pressée à froid. Après une scénographie rappelant l’histoire des moulins de Jonzac on se rend dans la salle de la roue à aube pour découvrir comment la force de l’eau, les engrenages, le poids de la meule, la patience et le savoir faire  permettent la fabrication d’une belle l’huile de noix. Elle aussi en vente sur place.

En ces terres cognaçaises, c’est aussi l’occasion de s’offrir un gouter par comme les autres. Avec le fameux Brûlot charentais mis en scène et servi dans sa tasse en grès, très résistante à la chaleur. Une tradition multi séculaire qui consiste à associer café et cognac dans un véritable spectacle.

La mise en scène est incontournable, il faut placer deux morceaux de sucre dans la soucoupe de chaque côté de la tasse préalablement remplie de café froid à 2cm du bord. On ajoute 2cl de cognac brut de fût (aussi appelé spécial brûlot) dans la soucoupe. On en verse ensuite 1cl dans le café en le faisant couler sur le dos d’une cuillère afin que le spiritueux reste bien en surface.

On allume l’un des sucres avec une allumette, la soucoupe s’embrase et se propage à la surface du café. Quand la jolie flamme bleue s’éteint d’elle même, verser le contenu liquoreux de la soucoupe dans le café (attention que la tasse et la soucoupe ne soit plus trop chaudes) et déguster. Coup de fouet assuré ! 

Les Vals de Saintonge, vins, moutardes et vinaigres

La Saintonge se conjugue également dans sa partie des Vals, cette région autour de Saint-Jean d’Angely. Terres agricoles et viticoles se partagent le paysage où nous sommes allés à la rencontre d’artisans passionnés.

A commencer par Yves Lageat, Parisien venu à l’époque créer un vignoble avec des copains, finalement resté sur place, à Gourvilette, pour développer une bien belle aventure: Pique Russe. Derrière ce nom donné ici au rouge-queue, joli petit oiseau migrateur, se trouve un domaine viticole créé en 2003 dont l’ambition fut de produire un grand vin charentais, région où l’on est plus habitué à faire du vin pour une transformation en Cognac.
A force de travail manuel, en Bio, notre nouveau vigneron accompagné par l’œnologue Athanase Fakorellis a réussi son pari. Avec ses 4 hectares en Cabernet-Sauvignon, en Colombard , en Merlot mais aussi en Pinot Noir, Pique Russe est parvenu à poser ses cuvées dans de grandes tables, comme chez Christopher Coutanceau à la Rochelle ou aux Chais Monnet à Cognac, ainsi qu’à séduire les guides vins.
Pour notre part nous avons pu apprécier la cuvée 100% Pinot Noir de la parcelle plantée en 2016. Dans son millésime 2019 ce rouge exprime de la puissance, du fruité mûr et une certaine structure. Peut être dégusté aujourd’hui comme s’offrir un peu de repos en cave.

Il est des choses étonnantes parfois. Nous sommes à Gourvilette, 95 habitants selon l’INSEE en 2015, et à peine sortis de chez Pique Russe, nous arrivons, au coin de la rue, à La Moutarderie. Ici Nathalie Courreges, après avoir passé près de vingt ans dans l’agro-alimentaire a choisi de reprendre l’activité de la maison créée en 1998. Car oui, en effet, la moutarde était largement produite en région Poitou-Charentes au 19e siècle ! 

Nathalie travaille de la graine de moutarde brune broyée à la meule de pierre ponce. Puis confectionne ses recettes avec des produits du terroir si possible, des herbes aromatiques comme l’estragon, l’ail des ours, l’angélique du Marais Poitevin, le piment d’Espelette, les salicornes de l’ile de Ré, les cèpes du sud-ouest, du mout de raisin, mais aussi du Pineau des Charentes, du Cognac, etc.

Nathalie Courrèges c’est aussi de la confiture artisanale, toujours en travaillant notamment les richesses du terroir, où l’on retrouve de beaux fruits associés parfois au Pineau, au Cognac, et même de nouveaux ingrédients comme le kiwaï ce cousin sibérien du kiwi, cultivé désormais dans le sud-ouest. 

Caramels beurre salé

Le sucre c’est aussi l’affaire du mari de Nathalie qui confectionne de savoureux caramels, au beurre AOP Charente Poitou, de manière totalement artisanale avec une cuisson en bassines de cuivre. Les recettes vont du nature à l’inévitable beurre salé à la fleur de sel de l’ile de Ré, en passant par le Cognac, le Pineau ou le chocolat noisette. 

Non loin de chez Nathalie, à Saint martin de Juillers, c’est un artisan rare que nous rencontrons. Laurent Agnès, c’est l’un des derniers artisans vinaigriers de France ! Dans la minuscule vinaigrerie qui porte son nom, des fûts baptisés de ceux des héros des dessins animés de Disney. Sa fille, petite et fan du géant américain, traînait dans le labo avec son papa et attribuait des noms aux fûts, Laurent perpétue la tradition, simplement. Ils abritent des vinaigres de vin blanc, de vin rouge, de cidre, dont l’élaboration nécessite entre 8 à 10 mois, pendant que dans l’industrie en 48 heures l’affaire est pliée ! 
De même, avec Laurent tout se passe à 20° tandis que chez les géants on travaille à 30°. Car en laissant oeuvrer les différentes bactéries cela demande certes plus de temps, mais au final le vinaigre ne fait pas plus de 1,5° d’alcool et est moins agressif sur le plan acétique. 

Pour l’aromatisation, cela se passe en bonbonne en verre, en macération de fleurs ou de fruits. Pour des échalotes 15 jours sont nécessaires quand il faut jusqu’à 2 mois pour les fleurs de sureau et la figue. Travailler sans extrait aromatique donne une aromatisation plus plus stable et l’arôme reste. 
Alors bien sûr la production est très limitée, pas plus de 10.000 bouteilles par an et quelques fûts pour les traiteurs, sous 9 recettes. 

Après toutes ces histoires de condiments cela donne envie d’aller se restaurer. Pour cela, direction Haimps, et se poser à La Table du Chef Corvez, Jean-Yves de son prénom. Oui, celui qui était avec Cyril Lignac dans « Oui Chef ! » ou « Chef la recette » sur M6 ! Table Gourmande Gault & Millau 2023, on y savoure une belle cuisine de saison, avec des produits de qualité, en circuit court, issus de pratiques d’élevages, de maraîchages ou vigneronnes les plus attentives à l’environnement. Le tout servi dans la bonne humeur pour ajouter au plaisir ! 

Infos pratiques:

Promenade gourmande en Charentes, en images